Mouammar Kadhafi, un dictateur fou fou fou

Mouammar Kadhafi, un dictateur fou fou fou



Mouammar Kadhafi. © U.S. Air Force photo by Tech. Sgt. Jeremy Lock/Released


Ces dernières années, on le disait plus modéré, prêt à donner des gages pour se refaire une place sur la scène internationale... Mouammar Kadhafi est pourtant loin, très loin de s'être assagi. La violente répression du mouvement de contestation qui ébranle la Libye aurait déjà fait près de 500 victimes. Et le discours menaçant, prononcé le 22 février par le "Guide" au balcon de sa maison familiale, a frisé le Grand-Guignol. Depuis 10 ans, les frasques du chef d'Etat libyen auraient pourtant pu alerter ses nouveaux "alliés" en France et en Europe. Tour d'horizon de ses toutes dernières folies.

Les infirmières bulgares



Les infirmières bulgares reçues au Parlement européen après leur libération. © Parlement européen


1999. Cinq infirmières bulgares et un médecin d'origine palestinienne sont accusés d'avoir comploté contre l'Etat libyen en ayant volontairement inoculé le virus du sida à près de 400 enfants ! On les accuse également d'adultère, de consommation d'alcool ou encore de luxure. Pendant des années, le sort de ces prisonniers inquiète nombre d'organisations et d'institutions. Mais Mouammar Kadhafi ne lâche rien. En plus des charges pour le moins étranges de la justice libyenne, il accuse la CIA et le Mossad de complot. Ce sont eux qui, selon lui, mèneraient des expériences sur les enfants libyens. Torturés pour obtenir des aveux, les infirmières bulgares et le médecin palestinien seront finalement relâchés en 2007, au terme d'une longue (et finalement coûteuse) négociation de l'UE et de la France avec le leader libyen. Ce dernier sera d'ailleurs invité à Paris quelques mois plus tard, comme un chef d'Etat redevenu fréquentable.

La tente et les amazones

Mouammar Kadhafi et ses "amazones" lors d'une visite officielle en Europe. © Union européenne, 2011


Lors de ses visites à l'étranger, et notamment chez les occidentaux, Mouammar Kadhafi rechigne à séjourner à l'hôtel ou dans les palais des grandes capitales. En bon descendant des bédouins, le leader libyen préfère installer sa tente à proximité de l'ambassade libyenne locale. Ce rituel a bien failli provoquer un incident diplomatique lors de l'Assemblée générale de l'ONU à New York en 2009. Mais plus tôt, lors de sa visite à Paris en décembre 2007, la tente du "Guide" fut bel et bien installée dans le parc de l'Hôtel Marigny et a abrité tous ses visiteurs "conformément à la tradition du désert". Mouammar Kadhafi aime aussi faire venir dans ses bagages un attelage de chamelles dont il partage le lait lors de rencontres officielles. Enfin, il est toujours entouré de ses "amazones", une garde personnelle constituée exclusivement de femmes, choisies autant pour leurs compétences de gardes du corps que pour leur plastique...

L'humiliation de la Suisse

Hans-Rudolf Merz, l'homme qui a fait ses excuses à Kadhafi. © Union européenne, 2011


Hannibal Kadhafi, le fils de Mouammar Kadhafi, est réputé incontrôlable. Ce dernier a déjà fait parler de lui en France en 2004, en prenant les Champs-Elysées à contre-sens à 140 km/h et en jetant ses gardes du corps sur les policiers qui l'interpellaient... En juillet 2008, celui-ci est arrêté en Suisse pour avoir agressé des domestiques. Dans une colère noire, son père fait immédiatement arrêter deux ressortissants suisses travaillant en Libye et les accuse "d'activités économiques illégales". L'un d'eux n'a été libéré que récemment, en juin 2010, en échange d'une rançon. La crise diplomatique, elle, semble sans fin. Harcelée par le dictateur, la Confédération suisse ira jusqu'à présenter ses "excuses" par la voix de son président, Hans-Rudolf Merz, lors d'une visite à Tripoli en août 2009. Une véritable humiliation qui s'est avérée inutile. En février 2010, Kadhafi prônait encore la "guerre sainte économique" contre Berne qui venait d'interdire la construction de minarets par référendum

Le "roi des rois"
S
Mouammar Kadhafi s'est autoproclamé "roi des rois traditionnels d'Afrique". © Union européenne, 2011


Admirateur de Nasser, Mouammar Kadhafi s'est toujours vu en rassembleur des pays arabes, quand ce n'est pas en commandant de toute l'Afrique. Pendant son règne, les tentatives de fusions ont été nombreuses avec les pays du Maghreb, en particulier avec la Tunisie, mais aussi avec la Syrie ou le Soudan. Son dernier rêve : bâtir les "Etats-Unis" d'Afrique et, bien évidemment, en devenir le président. Le dictateur a fait un premier pas dans ce projet en obtenant la présidence de l'Union africaine en février 2009 (celle-ci revenait pour un an à un dirigeant d'Afrique du nord). Elu lors du sommet d'Addis Abeba, il a aussitôt revendiqué le titre "roi des rois traditionnels d'Afrique", faisant même passer la consigne à ses pairs d'utiliser désormais ce titre à son égard. Un titre qu'il a obtenu lors de la réunion d'un groupe de chefs tribaux quelques semaines plus tôt. Selon les rapports de la presse, Kadhafi était d'ailleurs accompagné de sept "rois" africains lors de ce sommet.

Une "Tour Kadhafi" à Dakar


Kadhafi voulait ses faire construire une tour à Dakar. © Union européenne, 2011


Le 21 février 2009, Mouammar Kadhafi est l'invité du président sénégalais Abdoulaye Wade. Devant le port de Dakar, les deux chefs d'Etat posent la première pierre d'un édifice peu commun. À travers sa fondation, le "Guide de la révolution" libyenne a décidé d'offrir à l'Afrique la "Tour Kadhafi", la première tour solaire du monde. Gigantesque pyramide noire surplombant Dakar, elle a été conçue par l'architecte du président sénégalais Pierre Goudiaby "Atepa". Au terme de trois années de construction au Cap Manuel, celle-ci devait mesurer 200 m de haut, soit 60 niveaux, recouvrir 100 000 m2 et générer 80 % de son énergie grâce à de grands panneaux solaires fixés sur sa façade. 2 000 emplois pendant 3 ans ont été annoncés au Sénégal et "plus de 120 milliards de francs CFA (180 millions d'euros)" devaient être consacrés au chantier... Las. Aujourd'hui, on peine à croire que le celui-ci arrivera à son terme.

Une rivière dans le désert

Mouammar Kadhafi projette de créer une rivière artificielle en plein Sahara. © Union européenne, 2011


Plusieurs projets fous sont sortis de l'imagination de Mouammar Kadhafi depuis son coup d'Etat en 1969. Mais l'idée de créer une rivière en plein désert est sans doute le plus incroyable. En mars 2009, à l'occasion du 5e forum mondial de l'eau en Turquie, des officiels libyens ont présenté les derniers détails de cette installation, en construction depuis les années 1980. Un chantier pharaonique visant à extraire de l'eau sous le sable du Sahara et l'acheminer vers les cultures de blé du nord et vers les villes de la côte. Le projet de "Grande rivière artificielle" aura déjà coûté 33 milliards de dollars et nécessité l'installation de 4 000 km de tuyaux en Libye. De nombreux experts s'inquiètent depuis de l'impact écologique de la manœuvre. Le blé cultivé avec l'eau du Sahara devrait devenir l'un des plus chers au monde. Mouammar Kadhafi, lui, parlait encore récemment de la "huitième merveille du monde"...

Un fou du micro


Mouammar Kadhafi est un habitué des coups d'éclat diplomatiques. © Union européenne, 2011


Les relations de Mouammar Kadhafi avec ses voisins ont toujours donné lieu à de drôles de séquences. On se souvient par exemple du gant blanc que portait le colonel à la main droite lors d'un sommet à Alger en 1988, "pour ne pas avoir à serrer des mains couvertes de sang". Un peu fort de la part du despote qu'il était déjà à l'époque... Plus récemment, en mars 2009, on a frôlé l'esclandre lors du sommet de la Ligue arabe à Doha. Pendant une allocution de l'Emir du Qatar, Kadhafi s'empare d'un micro, lui coupe la parole et se lance dans un réquisitoire improvisé contre le roi Abdallah d'Arabie saoudite, qualifié de ?marionnette américano-britannique?. Après une longue litanie, magnanime, il propose la réconciliation, mais refuse de rendre le micro si bien qu'on est obligé de le couper ! Vexé, Kadhafi quitte les débats. "Je suis le doyen des chefs arabes, le roi des rois d'Afrique et l'imam des musulmans, et mon statut ne me permet pas de m'abaisser à ce niveau ", déclarera-t-il plus tard

Le terroriste devenu héros
L'accueil en Libye du terroriste Ali Mohammed al-Megrahi est l'une des dernières provocations du "Guide". © Union européenne, 2011


L'Ecosse s'est sans doute mordue les doigts après avoir libéré Ali Mohammed al-Megrahi. Atteint d'un cancer, ce cerveau de l'attentat de Lokerbie a été autorisé à rejoindre la Libye en août 2009, après moins de 8 ans de prison. Et sur place, Mouammar Kadhafi lui a réservé un accueil digne d'un héros national. A l'aéroport, le terroriste est acclamé par une foule soulevant les drapeaux libyens et écossais. Il sera même porté en triomphe par l'un des fils du "Guide de la révolution". "Nous considérons que Megrahi est un combattant qui s'est sacrifié pour la patrie", affirme alors un diplomate libyen, s'enfonçant dans la provocation. La Maison Blanche juge les images "scandaleuses et dégoûtantes". Après des années de déni, la Libye avait consenti, au début des années 2000, à reconnaitre sa responsabilité dans l'explosion d'un Boeing 747 qui avait fait 270 morts au dessus du village écossais de Lokerbie, le 21 décembre 1988, et livré deux terroristes, dont Megrahi, aux occidentaux.

Des distributions de gifles

Nouri El Mismari, l'un des anciens hommes forts du régime, ici avec José Manuel Barroso et Barack Obama. © Union européenne, 2011


Nouri El Mismari, l'un des hommes forts du régime libyen ces dernières années, a longtemps été considéré comme un proche de Kadhafi. Très cultivé, ce chef du protocole - un poste clé - lui servait encore il y a peu de traducteur lors des grands sommets et assurait notamment le lien avec la France où il a étudié. Il aurait aussi été le "nègre" de plusieurs ouvrages du "Guide". Mais en juillet 2010, lors d'un sommet de l'Union africaine à Kampala en Ouganda, Kadhafi donne une gifle à ce haut dignitaire en public, devant une dizaine de témoins. La raison de ce geste reste inconnue, mais il rappelle que les sautes d'humeur du colonel Kadhafi et les humiliations de ses collaborateurs sont monnaie courante. Nouri El Mismari a fui en France en 2010 et est poursuivi par la Libye pour une affaire de détournements de fonds. Pour beaucoup, il s'agit d'une manœuvre de Tripoli pour le faire extrader en Libye et lui faire payer sa dissidence

Un show devant 500 Italiennes

Mouammar Kadhafi devant la tente qu'il installe à chacune de ses visites à l'étranger. © Union européenne, 2011


Lors de sa visite en Italie en août 2010, Mouammar Kadhafi a multiplié les provocations. Mais la plus invraisemblable reste la réunion organisée dans un hôtel de luxe de Rome avec 500 jeunes femmes italiennes triées sur le volet. Pour participer à ce show du "Guide" libyen, les "filles", recrutées par une agence sans savoir de quoi il s'agissait, devaient avoir entre 18 et 35 ans, mesurer au moins 1,70 m, être bien habillées. Mais sans décolletés, robes courtes ou mini-jupes. Les heureuses élues auraient été rémunérées 80 euros pour la soirée. Le but de Kadhafi : faire la promotion de l'islam ! Une heure durant, le dictateur a appelé ses invitées à se convertir, estimant que " l'islam doit devenir la religion de toute l'Europe". "Le premier pas pour l'islamisation de l'Europe sera l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne", aura aussi lancé l'orateur qui a distribué à chacune des participantes un exemplaire du coran à l'issue de son discours.