Bactérie tueuse

par Esculape Jeu 16 Juin 2011 - 11:43

Bactérie tueuse : on connaît sa nature mais pas son origine

Dimanche 05 juin 2011

A l'origine de 22 décès (21 en Allemagne et 1 Suède), cette bactérie, que les chercheurs disaient extrêmement rare, est le fruit d'une fusion entre deux bactéries : la souche Escherichia coli entérohémorragiques O104 (Ehec), très virulente et EAEC 55989, souche bactérienne isolée en Centrafrique. A la fois très virulente et insensible aux traitements antibiotiques, cette bactérie hybride nommée Escherichia coli (EHEC) 0104:H4 représente un véritable casse-tête pour les autorités sanitaires. Au-delà de son coût humain, l'Europe s'inquiète de ses répercussions économiques sur la vente de légumes frais.

Une bactérie à la fois virulente et résistante
D'un point de vue sanitaire, même si son identité est désormais connue (grâce à la collaboration entre la clinique universitaire de Hambourg et une société chinoise de séquençage, Beijing Genomics Institute), la bactérie tueuse reste néanmoins un mystère : la source de la contamination n'est toujours pas connue. Durant le week-end, les soupçons se sont portés sur des graines germées vendues par une entreprise de jardinage du Nord de l'Allemagne. Même si les autorités allemandes ont relevé plusieurs indices en ce sens, les tests de laboratoire doivent apporter la preuve formelle que la bactérie qui a fait plusieurs morts provient bien de cette source. En attendant, le Ministre allemand de la santé n'accrédite pas plus particulièrement la piste du soja contaminé et a maintenu les conseils aux consommateurs d'éviter tomates, concombres et salades crus, y ajoutant les graines germées et jeunes pousses.
L'Allemagne devrait prochainement lancer un avertissement via le système européen d'alerte rapide à propos des soupçons qui pèsent sur des graines germées comme possible vecteur de cette bactérie Eceh, selon la Commission européenne.
La semaine passée, les spécialistes ont admis qu'aucun traitement vraiment efficace n'avait encore été identifié. Après contamination par la bactérie, l'incubation dure 3 à 7 jours avant l'apparition des premiers symptômes : une diarrhée banale ou sanglante. Dans 9 cas sur 10, les personnes guérissent en une dizaine de jours et dans 10 % des cas peuvent survenir le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Mortelle dans 3 à 5 % des cas, cette maladie touche en moyenne 100 personnes par année en France, principalement des enfants de moins de 15 ans. Mais aujourd'hui, les malades sont pour la plupart des femmes adultes.

Une origine inconnue
On sait que les E.coli sont des bactéries intestinales que l'on trouve dans le tube digestif des ruminants. Logiquement, il semblerait que la contamination ait eu lieu par contact avec les déjections fécales d'animaux. Mais on ne sait rien du vecteur (eau, terre, engrais naturel ?), et à quel moment de leur transport les légumes ont été souillés... En l'absence de données concernant son origine, la seule manière de se prémunir de la contamination par la bactérie reste la prévention. Les autorités recommandent très fortement de bien se laver les mains avant et après manipulation de légumes crus et surtout de ne pas les consommer sans les avoir cuits, au minimum 2 minutes pour faire disparaitre toute trace bactérienne. Reste que pour le moment, la plupart des personnes atteintes de syndrome hémolytique et urémique (499 au total selon l'ECDC) se trouveraient dans le Nord de l'Allemagne ou y auraient séjourné.

Un bilan économique désastreux
Sur le plan économique, l'Espagne a été la première à pâtir de cette épidémie. En effet, les autorités allemandes avaient dans un premier temps mis en cause des concombres bio espagnols pour ensuite les dédouanner. Mais en une semaine, le volume des ventes des concombres, tomates et laitues ibériques a chuté. Aujourd'hui, avec la peur des consommateurs et l'embargo demandé par la Russie, plusieurs pays risquent de voir leurs ventes des fruits et légumes frais se réduire (l'Espagne, la France, le Portugal ainsi que la Hollande étaient les principaux exportateurs de fruits et légumes vers la Russie). Jugée disproportionnée, cette décision unilatérale n'a pas manqué de provoquer l'ire de la Commission européenne. Le commissaire à la santé, John Dalli, a enjoint Moscou à lever immédiatement l'embargo.

Emeline Dufour